Page:Exercices spirituels d'Ignace de Loyola, traduction Vatier, 1673.pdf/56

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fait par le Createur, temerairement & en vain, ſoit un plus grand peché que de jurer par la creature : il eſt toutefois plus difficile de jurer licitement par la creature que par le Createur, en gardant les circonſtances que nous avons dit, qui ſe doivent garder. Premierement, par ce qu’en faiſant mention de la creature dans noſtre jurement, nous ne ſommes pas tant émûs à prendre garde de jurer avec verité & avec neceſſité, comme nous le ferions ſi nous nommions le Createur de toutes choſes. Secondement, parce que nous ſommes bien moins excitez à reſpecter Dieu, en nommant la creature, qu’en proferant le nom de Dieu. C’eſt pourquoy on permet plus aiſément aux parfaits qu’aux groſſiers, & ignorans, de jurer par les creatures : parce que les parfaits ayant l’entendement fort éclairé par le continuel exercice de la contemplation, voyent de plus prés & reconnoiſſent mieux, que Dieu eſt en toute creature par eſſence, par preſence, & par puiſſance ; & ainſi ils ſont plus diſpoſez à le reſpecter deuëment lors qu’ils jurent, que les autres qui ne ſont pas encores arrivez a un pareil degré de perfection. Troiſiémement, parce qu’en prenant la couſtume de jurer par les creatures, il y auroit danger d’idolatrie ; ce qui eſt beaucoup plus a craindre dans les imparfaits, que dans les parfaits.

Il faut encore éviter entre les autres pechez de la langue, les paroles oiſeuſes, telles que ſont celles qui ne ſervent ny a celuy qui les profere, ny a aucun autre, & qui ne ſont point dites a deſſein de profiter. Mais il ne faut pas prendre pour parole oiſeuſe