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rai l’occasion d’exprimer la nature et la force des sentiments qui me tiennent uni à la ville de Lausanne et au pays de Vaud. Demain, la journée est consacrée aux sports. Je pourrai donc, m’adressant à vous, mes chers présidents et amis, parler des choses sportives qui nous tiennent à cœur et en profiter pour remercier le grand animateur de tout ce qui se passe autour de mon anniversaire, à savoir Francis Messerli. En ce moment, puisque nous sommes assemblés dans cette Université qui est le temple de\ la jeunesse, c’est à son chef et son guide que je veux d’abord répondre.

Le cadre où se tient notre assemblée éveille en moi de lointains et puissants souvenirs. C’est ici que se tint, il y a dix-neuf ans, le Congrès international qui fonda la psychologie sportive et auquel demeurent attachés les noms de deux illustres participants, Roosevelt et Ferrero. C’est dans la salle voisine de celle-ci que cinq ans et demi plus tard, comme on sortait de la terrible guerre, j’osai, à l’occasion de son cinquantenaire négligé, exposer en six leçons l’œuvre de la République française (1870-1920), à laquelle était encore injustement refusé ailleurs l’accès des galeries de l’histoire. C’est ici également que pour la première fois, j’ai communiqué au public les principes réformateurs des enseignements secondaire et post-scolaire, tels que nous avions été amenés à les poser, mes collaborateurs et moi, et tels qu’ils sont synthétisés sur cette affiche qu’on a eu la délicate attention de placer derrière moi, en pendant avec la Charte de la réforme sportive. Tout cela s’est fait sous les auspices de trois recteurs amis, MM. de Felice, Lugeon et Chavan, dont je ne saurais oublier de citer les noms, en même temps que celui de M. le recteur Arnold Reymond, auquel m’attachent les liens de la plus vive sympathie admirative.

Mais ce que j’évoque là, c’est du passé. La jeunesse aime qu’on lui parle d’avenir, et comme elle a raison ! Il n’y faut point manquer, si l’on a la chance de s’adresser à elle. D’autant que les voix qui sortent du crépuscule, que ce soit celui de l’âge ou celui de la douleur, ont droit d’être doublement entendues lorsqu’elles parlent de confiance. Et c’est là précisément le mot que je veux prononcer.

Un passage de Gœthe, transposé en un petit poème anglais peu connu, contient à peu près en ces termes un conseil à recueillir : « Tenez-vous bien en selle, garçons, et foncez hardiment à travers le nuage ! » ; le nuage… c’est donc une obscurité transitoire et de l’autre côté on retrouvera le soleil et l’azur. Il faut y croire. Certes la nuée qui va se lever sur votre route, mes chers jeunes, est singulièrement opaque, âpre, redoutable… Loin de moi d’en méconnaître les inquiétants contours et même les dangers trop réels. Mais n’importe, foncez à travers la nuée et, je vous le répète, vous retrouverez au delà la vie claire et fraîche. Courage, donc, et espérance ! Courage indomptable, espérance tenace.

Pour vous soutenir et vous guider, qu’une triple volonté demeure en vous : la volonté de la joie physique que procure l’effort musculaire intensif, excessif même et violent — puis la volonté de l’altruisme franc, complet, continu… car, sachez-le bien, la société prochaine sera altruiste ou elle ne sera pas : il faudra choisir entre cela ou le chaos ; — enfin la volonté de compréhension des ensembles. Levez vos regards, menacés de myopie par l’esclavage du spécialiste : ne craignez pas de devenir presbytes. Dirigez-les vers les grands horizons de la nature et de l’histoire. C’est de ces sommets que découlent pour l’homme la puissance et l’action.

Tels sont mes vœux pour tous, pour cette ville préférée, pour les générations qui se lèvent, pour tous ceux qui, répondant à notre appel, ont