Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/122

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tales de son action, il ne chercherait pas les ténèbres pour l’accomplir, il n’attendrait pas d’être pris en flagrant délit pour l’avouer, ce qu’il ne fait, toutefois, que dans les cas d’empoisonnement par intention honnête ; sinon, il nie presque toujours, en face même du châtiment et de l’expiation.

Pourquoi l’esclavage qui n’a enlevé au nègre ni l’amour passionné pour ses enfants, ni le respect très-grand pour ses parents, ni le dévouement aux vieillards, aux infirmes et aux pauvres d’esprit, ni le sentiment religieux poussé jusqu’à l’exaltation ; pourquoi, dis-je, l’esclavage lui aurait-il enlevé la notion du bien et du mal, et l’aurait-il fait imbécile et idiot, seulement en matière de poison ?

Il nous paraît plus juste d’imputer au caractère du nègre ce qu’on impute exclusivement à l’esclavage. Alors même qu’il applique le poison dans un but honnête, selon lui, le nègre ne voit pas bien le mobile vrai de son action. Il est de bonne foi en confessant ses intentions ; mais il fait un peu obscur dans un coin de son esprit ; ces ténèbres l’empêchent de discerner qu’il obéit, à ces moments-là, à la colère et à un sentiment de vengeance qui est le fond, non pas de sa nature d’esclave, mais de sa nature naturelle, si j’osais dire.

Le nègre est fougueux et fortement impressionnable. Pour une injure, pour une simple contrariété, le sang lui afflue au visage, qui se décompose littéralement. Son épiderme, même sous le noir le plus prononcé, prend une teinte lie de vin ; ses yeux s’injectent de filets sanguinolents et de jaune, les artères des tempes lui battent avec violence, il ressent une sorte d’ivresse, sa tête bout.

Ces symptômes sont communs aux hommes coléreux ; mais le nègre, dominé par sa condition, est obligé de se contenir et de concentrer sa colère ; qui laisse nécessaire-