Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assis au milieu de la rue, les pieds trempant dans le ruisseau, fut surpris dans cette posture, indice certain de la fainéantise chez les noirs, par Cora que les révélations de Constant éclairèrent sur la situation de son ancienne maîtresse. Sans s’inquiéter des deux fugitifs, Cora se hâta de rejoindre madame Mongenis, s’installa chez elle, se fit sa servante comme par le passé, et l’aida dans sa détresse, tout en lui témoignant autant de respect que si elle eût été encore son esclave.

Quant au jeune mulâtre et à Francilia, préoccupés de la rencontre de Cora, redoutant qu’on ne les fît arrêter peut-être, ils partirent marrons.

Cora, depuis la conquête de sa liberté, vivait du produit d’un commerce ambulant, consistant dans la vente par les rues de la ville de fruits, de riz sucré, de menues pâtisseries et de petits objets de toilette, — chaque chose selon l’heure du jour.

Ce colportage est assez lucratif aux colonies, où il est exercé par une multitude de négresses et de filles de couleur, libres ou esclaves. Ces dernières travaillent presque toujours pour le compte de leurs maîtresses avec qui elles partagent, chaque soir, le bénéfice de la vente. C’est là un moyen dont beaucoup de femmes créoles même très-riches, se servent, les unes du consentement, les autres à l’insu de leurs maris, pour augmenter leurs ressources intérieures et suffire à des dépenses de caprice. Elles s’en cachent le plus souvent, comme de ces petits accrocs à la dignité pour lesquels les convenances du monde exigent le mystère, et que les plus coupables ne pardonnent guère, par esprit de caste, dès que le grand jour les dénonce au public.

Cora redoubla d’activité pour que son commerce suffît à son existence et à celle de madame Mongenis, ne se plaignant jamais du chemin qu’il fallait faire, deux fois par