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Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/169

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ment de la délivrance du mulâtre approchait ; il n’était douteux, ni pour Cora ni pour madame Mongenis, que Francilia ne profitât de la mise en liberté du coupable pour s’enfuir de nouveau avec lui. C’était pour la bonne dame un sujet de larmes et d’inquiétudes qui assombrissait ses vieux jours. Elle en éprouvait même un désespoir à fendre le cœur.

Tout à coup madame Mongenis mourut au milieu de douleurs qui avaient tous les symptômes et tous les caractères d’un empoisonnement. À qui attribuer ce crime ? — Personne n’eût osé soupçonner Cora, que sa conduite envers madame Mongenis mettait à l’abri de toute accusation. On arrêta Francilia au moment même où elle se disposait à reprendre le chemin, qu’elle connaissait si bien, de ce bois où le mulâtre de son cœur avait déjà fait élection de domicile.

Francilia fournit le texte au plus beau réquisitoire qui ait jamais été prononcé contre l’ingratitude ; il n’y avait rien d’étonnant à ce que ses juges, malgré les énergiques protestations de la jeune métive, l’eussent condamnée comme empoisonneuse.

Après que la sentence contre Francilia fut prononcée, une étrange scène se produisit.

Francilia était innocente ; l’auteur du crime était Cora, qui se dénonçait elle-même et qui avait attendu pour le faire le dénoûment du drame, dans l’espoir d’un acquittement en faveur de l’accusée.

Cora coupable du crime d’empoisonnement sur madame Mongenis sembla chose impossible à tout le monde. On alliait difficilement un acte aussi odieux au dévouement de la négresse à son ancienne maîtresse. La déclaration que fit Cora à ce sujet est consignée dans les annales judiciaires d’une de nos Antilles. C’est le plus étrange aveu qu’on puisse imaginer.