Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/202

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créatures, aimant l’élégance, comme toutes les femmes l’aiment dans ce pays-là ; ses filles, dis-je, soucieuses autant que leur père, de l’accomplissement des grands devoirs qui leur incombaient, portaient les robes les plus simples ; pas de bijoux, rien qui pût laisser supposer qu’une gourde (pièce de cinq francs) fût employée mal à propos dans cet intérieur modeste.

Ces privations avaient pour but, comme je le disais, de mettre l’habitant en mesure de satisfaire à ses engagements, en ne s’exposant pas à ce que les nègres des deux habitations manquassent de rien.

C’est ce que ne comprendront peut-être pas bien aisément ceux qui n’ont pas assisté à ce drame intime de l’esclavage, qui ne savent pas les liens d’attachement qui ont souvent uni le maître à l’esclave, l’importance que le créole donnait à l’accomplissement de ses devoirs de famille envers ces enfants noirs dont il avait la conduite et la responsabilité. M. V… était arrivé d’ailleurs par ses bons et paternels soins à mériter l’affection de ses esclaves. Il n’en était pas un qui ne sût parfaitement à quoi s’en tenir sur les sacrifices que coûtait à leur maître et à leurs jeunes maîtresses le bien-être qui entourait les atelier des deux plantations.

Outre la nourriture, le logement, l’habillement et les autres soins matériels qu’il accordait aux esclaves, le propriétaire leur concédait à chacun un coin de terre dont les produits leur appartenaient exclusivement, et ils avaient, pour le cultiver, une demi-journée par semaine (en plus du dimanche). Dans ces jardins (ainsi s’appelaient ces terres des esclaves) ceux-ci récoltaient des racines, des légumes, des fruits qu’ils vendaient au marché le dimanche. Autour de sa case, le nègre avait encore un espace clos, où il élevait des animaux domestiques, seconde source assez abondante de produits.