Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/241

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Quand André eut fini de relever le terrain, il fit signe à José de s’approcher.

— Ce soir, lui dit-il, j’ai un rendez-vous ici.

— Bien, maître.

— Un rendez-vous sur lequel j’ai des doutes.

— Vous avez peur qu’on n’y manque ?

— Non ; mais en même temps que ce rendez-vous m’était donné, je recevais la lettre que tu m’as remise et dans laquelle on me conseille de me tenir sur mes gardes. J’ai donc voulu explorer les lieux à l’avance. Tu vas rester ici jusqu’à l’heure où j’y reviendrai ; tu examineras attentivement tous ceux qui passeront, guetteront ou se cacheront ; et pour le faire avec plus de succès, tu vas toi-même te tenir dans ce fourré de jeunes arbres. Quand je me présenterai, si c’est une femme qui vient au-devant de moi, tu ne bougeras pas ; si c’est un homme, tu armeras ton pistolet ; s’il y a plus de deux hommes, tu accourras à mon aide. En tout cas, quelle que soit la route que tu me voies prendre, à pied ou en voiture, tu me suivras de loin, le plus adroitement possible, et tu feras sentinelle près de la maison où j’entrerai. À bientôt.

José, qui venait d’allumer une cigarette, s’inclina en lâchant une bouffée de fumée ; et avant qu’André eût fait dix pas vers le paseo où circulaient encore de nombreux promeneurs, il commença d’examiner les alentours.

— Il y a quelque diablerie là-dessous, dit-il en furetant le petit fourré qui devait lui servir d’observatoire.

L’ayant trouvé complétement inhabité, il poussa une pointe dans l’allée recouverte. Le plus grand silence régnait sous les épais acacias entremêlés de ces lauriers si odorants aux Antilles, et d’orangers en plein parfum. On n’entendait sous cette voûte de verdure que le cri strident des coucarachas, dont les ailes sèches produisent pendant leur vol un bruit semblable à celui de deux morceaux de