Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/319

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tout son équipage. Il ne faut plus compter sur l’appui des lois, mais sur sa seule force personnelle. Mon coquin de second m’a joué un tour pour lequel j’aurais dû le tuer. Nous nous trouvions entre la Martinique et Saint-Domingue, lorsque tout à coup nous nous vîmes en présence d’un steamer anglais. Mon second, qui un moment pensa comme moi que c’était un navire de guerre, nous fit virer de bord. En un clin d’œil, j’aperçus le danger de cette manœuvre qui pouvait engager le steamer à nous donner la chasse, et je fis reprendre au navire sa position première. Grâce à mon audace, nous sortîmes encore une fois d’embarras.

— N’êtes-vous pas las d’une semblable vie ?

— Pendant mon dernier voyage, j’ai songé plus d’une fois à renoncer pour toujours à la mer. Je voulais vendre mon navire, me retirer dans mon pays, y prendre femme et faire souche d’honnêtes gens. Mais me débarrasser de mon navire n’était pas chose facile. Pendant que j’en étais là, l’autorité a eu vent de mes opérations et en a arrêté le cours.

Ici l’écumeur de mer qui paraissait très-agité et ne cessait de tourner rapidement autour de son étroite cellule, s’arrêta tout à coup. Après un moment de silence, il reprit :

— Qu’on me donne un navire équipé à ma fantaisie, monté par une vingtaine de gaillards de mon choix, et…

— Et, quoi ?

— Et je recommencerai !


FIN.