Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ai ramené, il est à l’écurie ; je le sellerai et briderai pour l’heure que vous voudrez.

On le pense bien, Firmim avait tourné le dos, depuis un moment, à son voyage à la Calebasse, il l’avait même complétement oublié. La nouvelle que venait de lui apporter Jérémie l’avait précipité du sommet du plus charmant des rêves dans la plus prosaïque des réalités.

— Eh bien ! dit-il en se levant vivement, j’ai changé d’idée, je ne partirai pas ce soir ; j’achèverai paisiblement mon souper, et vous me donnerez à coucher.

Le tête à tête entre Firmin et Madeleine revint alors à la pensée de l’économe, compliqué de circonstances aggravantes. Il éprouva comme un serrement de cœur.

— Cela vous contrarie que je vous demande à m’héberger pour cette nuit ?

— Seigneur Dieu ! s’écria Jérémie, ce serait pour la première fois que l’hospitalité aurait fait défaut à quelqu’un sur cette habitation ! Ce qui me contrarie, Monsieur, c’est que je suis à l’étroit ici, et…

— Qu’à cela ne tienne, mon cher, je cabanerai (coucher par terre sur un matelas) dans cette salle ; ou plutôt donnez-moi un hamac, c’est tout ce qu’il me faudra.

— Mais le cheval ? hasarda Jérémie.

— Il me servira demain aussi bien que ce soir.

— C’est que…

— Quoi encore ?

— On ne pourra vous le prêter que pour vous conduire jusqu’à l’habitation voisine.

— Eh bien ! soit ; vous me ferez suivre par un négrillon qui vous ramènera le cheval dès que j’en aurai trouvé un autre. — Et puisque nous voilà d’accord sur tous les points, en attendant que Madeleine m’apporte ma pintade, je bois à la santé du propriétaire de cette habitation… Vous le lui direz, Jérémie.