Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/86

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ment de table, alluma un bout et sortit en murmurant.

— Ah çà, qu’y a-t-il donc dans l’air, aujourd’hui ?

Au repas du soir, même silence, même réserve de la part des trois personnages, sans que le vieux mulâtre, habitué au babil de Madeleine, se rendît compte de l’influence qu’il subissait à son insu. Après le souper il resta un moment étendu dans son hamac ; pendant ce temps Madeleine, la tête penchée sur une broderie, ne leva pas une fois les yeux.

Firmin s’était retiré sur le petit banc devant la porte, et rêvait en regardant les étoiles qui brillaient au ciel avec l’éclat d’un clair de lune. Jérémie, fatigué de ce silence et de cette tristesse générale, se leva pour gagner sa chambre. Madeleine plia son ouvrage, embrassa son père et se retira aussi.

— J’espère que demain au petit jour, murmura Jérémie en s’adressant à Firmin d’un ton un peu brusque, nous nous mettrons à l’œuvre ?

— À demain ! répondit le faux Claudien.

Les portes de la case fermées, tout rentra dans le plus profond silence. À minuit, Madeleine tendit l’oreille et écouta un moment pour s’assurer que son père dormait bien profondément, ce qu’attestait la vigueur de sa respiration ; puis, une lumière à la main, elle se rendit dans la salle, effleurant à peine le plancher.

— Allons venez, monsieur Claudien, dit Madeleine. Nous ne pouvons sortir par cette porte ; nous ferions trop de bruit en ouvrant la barre, prenons par ce côté-ci ; je vous montrerai le chemin, et, en marchant vite, vous serez assez loin demain pour que mon père ne songe point à vous rattraper.

— Votre main pour me guider, répondit Firmin ; je ne connais pas la maison, je pourrais me heurter ou chuter…