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VOYAGE À VÉNUS

étaient égales pour tous, le hasard seul présidait au destin de la partie et réparait souvent le lendemain le désastre de la veille. À la Bourse, au contraire, il y avait le camp des dupes et le camp des fripons. Celui-ci était de beaucoup moins nombreux que l’autre, mais il suffisait malheureusement de quelques gros requins de la finance pour absorber des bancs entiers de petits capitalistes. La fleur si délicate de la probité se fanait vite dans ce milieu délétère, et les spéculateurs les plus honnêtes n’étaient pas eux-mêmes exempts de tout blâme, car l’acheteur jouant à la différence, conjecturait évidemment que, pour des raisons ignorées ou faussement appréciées par le vendeur, les actions qu’il lui prenait hausseraient avant la liquidation ; le vendeur faisait un calcul inverse, mais qui n’était pas plus scrupuleux ; bref, chacun spéculait sur la sottise présumée de son partenaire, et consumait sa vie à combiner de tortueuses opérations pour s’emparer subtilement de l’argent d’autrui.

— Mais alors comment s’y prend-on ici quand on veut acheter des actions de telle ou telle société ?

— Comme vous vous y prenez lorsque, voulant du pain, vous allez chez le boulanger. Nous nous adressons au siége même de la compagnie, et s’il