Page:Eyraud - Voyage à Vénus.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
223
VOYAGE À VÉNUS

propriété de leur cerveau, une manifestation subtile de la matière, comme si les fonctions de l’âme n’étaient pas complètement distinctes de celles du corps !

« Cette dissemblance se manifeste en tout point. Le corps se nourrit de substances matérielles, l’âme se nourrit d’idées ; ce qui profite à l’un nuit à l’autre : une alimentation trop généreuse paralyse l’activité de l’âme, et en revanche, le penchant à la méditation, l’amour de l’étude, l’ardeur de l’imagination, consument les forces du corps et flétrissent sa santé. C’est l’éternelle histoire du fourreau qu’use le tranchant de la lame, ou de la lame qu’émousse l’étreinte du fourreau ; et l’on conçoit, dès lors, que, l’instant suprême arrivé, la séparation de l’âme et du corps n’ait rien de plus fâcheux qu’un divorce qui doit faire deux heureux.

« Remarquez encore cette curieuse différence entre eux que, chaque nuit, l’âme s’engourdit dans un sommeil plus ou moins profond, tandis que le corps ne dort jamais.

— Pardon, lui dis-je, c’est au contraire le corps qui sommeille, gisant comme inanimé sur sa couche.

— S’il est immobile, répliqua Podélos, et s’il paraît inanimé, ce n’est pas que la vie se soit ralentie