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VOYAGE À VÉNUS

gés sociaux. Je sais bien que vous professez hautement les principes de la plus célèbre de vos nombreuses révolutions ; malheureusement vous avez grand soin de les accommoder à vos intérêts. Vous aimez la liberté pour vous contre vos adversaires, et la fraternité — chez les autres — quand leur dévouement peut servir votre ambition. La soif de la supériorité et de la domination est tellement innée en vous que lorsque, dans la morne solitude de son île, ce Robinson, dont vous m’avez conté l’histoire, finit par trouver un compagnon, il s’empresse d’en faire son domestique.

« Ici, au contraire, le sentiment d’une égalité fraternelle est profondément enraciné dans le cœur même de la nation, et ce mélange, je ne dirai pas de toutes les classes, puisque nous n’avons pas de classes, mais de toutes les professions n’a rien qui répugne à notre délicatesse. Il est vrai que l’ouvrier s’est rendu complètement digne, par ses manières et son savoir, de la fusion sociale qui s’est opérée. Sa présence parmi nous vous choque, mon cher Volfrang, comme l’apparition de simples bourgeois dans les salons nobiliaires a pu choquer jadis vos bisaïeux ; ces bourgeois y sont admis aujourd’hui, et soyez sûr qu’avec le progrès, le cercle de la bonne compagnie s’élargira constamment ; le préjugé de la