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LE DOLOPATHOS ET LA FÉERIE DES CYGNES BLANCS

occupée à se baigner dans une fontaine, selon la coutume traditionnelle des fées que les légendes nous représentent amies des fontaines. Il l’aime, l’épouse, mais la mère du jeune seigneur goûte fort peu cette union. Cette mère est une jalouse et méchante personne. Elle ne se résigne que difficilement à supporter sa bru, et si elle voile sa haine de mille cajoleries, elle attend secrètement l’occasion propice pour nuire à la fée. Celle-ci, en l’absence de son mari, met au monde sept enfants : six garçons et une fille qui, dès leur naissance, portent une chaîne d’or au cou. La belle-mère substitue sept petits chiens aux sept enfants : elle confie ceux-ci à un serviteur, avec mission de les étrangler ou de les noyer dans la forêt. Le serviteur, ému de pitié, les abandonne sous un arbre : ils y sont recueillis par un vieux philosophe qui les nourrit de lait de biche. Le moyen âge connut de ces solitaires retirés au fond des forêts ; c’étaient les ermites pénitents ou simplement contemplatifs. Ils apprenaient des choses étranges, et savaient quels astres s’allument parfois dans la nuit sur les sommets déserts et inaccessibles de l’âme. Ruysbroeck l’Admirable était l’un d’eux. Bien que Dolopathos fût censé vivre aux temps païens où fleurit Virgile, le monde que nous dépeint naïvement le poète est le monde médiéval.

Pendant que les sept enfants de la fée grandissaient dans la forêt, leur pauvre mère subissait au château la plus cruelle persécution, car leur père était tombé dans les filets de l’odieuse aïeule. Un jour qu’il chassait, il aperçut les sept enfants parés de leurs chaînes d’or. Il raconta ce fait à la coupable qui, prise d’inquiétude, interrogea son complice, et lui arracha des aveux. Elle se hâta de l’envoyer à la