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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Elles devaient être impassibles comme le destin. Mais, un jour de bataille, Brynhilde sentit son cœur s’émouvoir de pitié : la fière Walkyrie favorisa le roi qu’elle préférait. Odin fut alors contraint de punir sa fille chérie ; il la fit déchoir du rôle glorieux pour lequel elle était née, et, la piquant d’une épine, il la plongea dans un sommeil magique. Brynhilde dort au fond d’un château merveilleux, entouré d’une barrière de flammes. Pour celle qui fut l’interprète de la volonté paternelle, le dieu tient à jeter un reflet de grandeur sur la déchéance même.

Brynhilde dort. Un héros la réveillera. Sous toutes les transformations de la légende, il est facile de reconnaître le vieux mythe, le perpétuel symbole du printemps. À celui qui la réveillera, Brynhilde est destinée par les dieux. Sigurd a pénétré jusqu’auprès de la Walkyrie ; elle s’éveille et, pour remercier son libérateur, lui enseigne les runes, lui donne des règles de conduite : « Je ne connais point d’être humain plus sage que toi, dit Sigurd, et je jure que je veux te prendre pour femme. — C’est toi que je préférerais, répond-elle, lors même que j’aurais le choix entre tous les hommes. » Ils échangent des serments, et Sigurd donne un anneau d’or à Brynhilde.

En vain, la pauvre déesse se confie à ce gage de fidélité. Le héros la quitte, arrive chez le roi Gjuki, dont la femme, Grimhilde, est une magicienne. Grimhilde admire l’incomparable valeur de Sigurd et projette de lui donner en mariage sa fille Gudrun. Mais Sigurd se souvient toujours de sa fiancée, et ce radieux souvenir le préserve d’une défaillance. Pour lui faire oublier la Walkyrie, Grimhilde offre au héros un breuvage magique, dont l’effet est d’abolir la mémoire. Sigurd épouse alors Gudrun, puis il échange