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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

voulut le rejoindre dans la mort, et se plongea dans le cœur l’épée du héros ; tous les deux furent placés sur le même bûcher funèbre.

Telle est, dans le récit de l’Edda, grandiose et tragique, la Belle au Bois dormant des poètes scandinaves.


II

ZÉLANDINE


Perceforest, roman du quatorzième siècle, nous représente je ne sais quel inextricable tissu d’aventures et de légendes. Certaines eurent de glorieuses destinées. La Barberine de Musset y est reconnaissable, sous une forme primitive. Shakespeare y trouva son roi Lear, mais l’auteur de Perceforest nous montre Cordelia victorieuse, le roi Lear vengé, Regan et Goneria punies, apaisant sous sa forme la plus élémentaire cette faim de justice qui ne doit pas être rassasiée ici-bas. Il fallait le génie d’un Shakespeare pour donner à cette aspiration sa plus haute intensité poétique, en faisant mine d’y contredire, et même, presque, de la bafouer. Les grands poètes se conforment inconsciemment au précepte de l’Évangile ; ils ne veulent pas que notre faim et notre soif de la justice soient satisfaites en ce monde ; ils les avivent, au contraire, par le spectacle d’apparentes injustices, de défaites imméritées, de sorte que nous fermons leur livre avec un regard vers l’au-delà.

Pas plus que cet ancien roi Lear n’a la portée