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LES JARDINS FÉERIQUES DE LA RENAISSANCE ITALIENNE

féerique. Armide a la science des Viviane et des Morgane ; elle connaît l’art des enchantements, elle a reçu le don des métamorphoses, elle règne sur un Avalon, une île fortunée, et jouit d’un jardin plus exquis que ceux dont nous respirions les parfums mortels dans les poèmes de Bojardo et de l’Arioste. Merveilleusement belle, elle est la nièce d’un enchanteur qui l’a instruite, comme Merlin, jadis, instruisit Viviane et Morgane. Elle sera décevante comme la première et passionnée comme la seconde. Elle a les cruautés de Circé, les fureurs de Médée ; et, des farouches druidesses qui servirent de modèles aux primitives fées celtiques, la haine du Christianisme. Elle usera des procédés de Falérine et d’Alcine. De plus, il y a chez elle de ces cris que l’on admire chez une Phèdre, une Hermione ; et le Tasse nous dit joliment qu’elle unit tous les arts de la femme à tous ceux de la magicienne.

Sous un aspect éploré, elle se présente au camp des chrétiens ; elle réclame justice et protection. Sa vue suffit à enflammer d’un beau zèle pour la prétendue innocence persécutée nombre de jeunes et vaillants chevaliers. Ceux qu’elle entraîne demeureront ses victimes, sacrifiés à sa haine, jusqu’au jour où le Ciel les délivrera.

Alors elle jure ressentiment et vengeance. Par un stratagème, elle répand le bruit que Renaud a succombé, et elle attire le jeune et beau vainqueur dans une barque gracieuse, par la promesse d’un jardin merveilleux. Il aborde dans un site désert. Armide apparaît, émergeant de l’onde et chantant à la façon des sirènes. Par ses chants, elle le plonge dans une sorte de sommeil magique. Les vers du Tasse nous en disent assez sur ce chant, il est