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FÉES ET FÉERIES DANS L’ŒUVRE DE SHAKESPEARE

que d’introductrice aux deux autres. La seconde étonne Macbeth : « Salut à toi, thane de Cawdor. » Le thane de Cawdor vit ; il est prospère…

Macbeth ignore que la prédiction est déjà réalisée au moment où la sorcière ajoute ce titre au précédent. Si l’ambition s’éveille alors en lui, point n’est besoin qu’elle le fasse agir. Mais la troisième parle à son tour, et celle-là, véritablement, a prise sur la destinée. Je m’imagine qu’elle parle beaucoup plus bas que les deux autres, parce que les suprêmes paroles de la destinée ne se crient guère et se murmurent le plus souvent : « Salut, Macbeth qui seras roi. » C’est assez pour que le chemin du crime s’ouvre devant Macbeth.

Où Macbeth a-t-il entendu cette voix ? A-t-elle effleuré ses oreilles ? S’est-elle levée du fond de sa conscience ? Elle résonne en lui, de façon à couvrir toutes les autres voix : celles de la fidélité, de l’amitié, de l’honneur, de la reconnaissance. « Salut, Macbeth qui seras roi. » Pour Banquo, le triple salut se renouvelle. Il revêt d’étranges formules : « Moindre que Macbeth, et plus grand. Moins heureux, et, cependant, beaucoup plus heureux. » La troisième sorcière explique : « Tu donneras le jour à des rois, bien que tu ne sois pas roi toi-même. »

Ensuite les trois sorcières ou les trois fées disparaissent comme si elles s’évanouissaient dans l’air. Macbeth, dans une lettre, décrit à sa femme cette scène fantastique ; et Lady Macbeth juge qu’entre son désir et la réalisation de son désir, il y a l’épaisseur d’un cheveu, s’il n’y a que l’épaisseur d’un crime.

Les trois sorcières ont pour reine Hécate, que Shakespeare nous représente comme une sombre déesse du mal. Plus tard, Macbeth, criminel,