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Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/265

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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

narrés sa berceuse, et, quand il les publia en 1697, ce fut sous le titre de Contes de la Mère l’Oye, par Perrault Darmancour. Charles Perrault n’avait osé les signer, ces contes immortels, de son nom d’académicien, et il prenait un pseudonyme, pseudonyme charmant si nous songeons que c’était le nom réel de son petit garçon, de l’enfant qui, peut-être, lui redisait les contes, et qui devenait ainsi son collaborateur ingénu.

Perrault ne cherche point, pour faire évoluer ses fées, un autre monde que celui qu’il a sous les yeux ; il ne s’embarrasse nullement de la lointaine Avalon et de la forêt de Broceliande. Il ne crée point, comme Shakespeare, une forêt d’Athènes baignée de clair de lune. La France du dix-septième siècle, avec ses villages, ses châteaux, ses chaumières, lui fournit son décor, et il en use avec une grâce sobre et savoureuse. Les paysages ont plus de douceur que d’éclat. Nous les reconnaissons, et les intérieurs y sont brossés, d’une belles touche large et pleine : c’est la chaumière du Petit-Poucet, une vision de misère ; la maison de l’ogre, qui ressemble à celle d’un paysan aisé ; c’est la magnifique demeure de Barbe-Bleue, ses coffrets, ses miroirs, ses soupers, ses vaisselles d’or et d’argent, ses tapisseries précieuses, tout ce luxe qui, derrière la lourde façade sculptée d’un hôtel de financier, accumulait des richesses, et le même luxe s’épanouit dans la maison de campagne où le terrible homme conduit sa jeune épouse ; le paysage est de Beauce ou de Brie, plat et découvert, et l’on y voit de loin la marche d’un troupeau de moutons ou l’arrivée des cavaliers libérateurs. Le château de la Belle au Bois dormant a des splendeurs royales, comme on pouvait les concevoir au