Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
265
LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

lèse-majesté, crime capital. François de la Motte prouva son innocence, et ce fut l’aimable baronne qui faillit y perdre la tête, mais, faute de preuves suffisantes, elle échappa au sort que lui eût réservé la justice de ce temps. Ah ! Comme nous sommes loin du Rameau d’Or et de l’Oiseau bleu, et de toutes les délicieuses fantaisies qui nous semblaient avoir fleuri dans une imagination idyllique !

Certes, ce n’était pas l’imagination qui manquait à Mme d’Aulnoy, elle en avait même de plusieurs sortes, de bon et de mauvais aloi, gardant le bon pour ses œuvres littéraires, et employant parfois le mauvais dans la vie réelle. Ses mémoires intitulés la Cour et la Ville de Madrid nous révèlent en elle l’épanouissement de ce don brillant et parfois dangereux. Je crains beaucoup que notre baronne ne soit rien de mieux qu’une coquine, mais il faut lui reconnaître de l’esprit, de la vie, une jolie facilité de plume. Il se peut qu’elle invente jusque dans ses mémoires. Elle aime les aventures pittoresques, les beaux jardins comme ceux de Don Augustin Pacheco, et les belles toilettes comme celle que porte, au lit, la jeune femme du même Don Augustin ; ni bonnet, ni cornette, cheveux noués d’un ruban et serrés dans un morceau de taffetas incarnat ; chemise large et fine à manches larges et à fleurs brodées de soie bleue et chair ; manchettes de taffetas blanc et boutons de diamant. Son lit est de cuivre doré à pommes d’ivoire et d’ébène, elle s’appuie contre plusieurs oreillers lacés de rubans, garnis de dentelles hautes et fines ; son couvre-pieds est de point d’Espagne agrémenté d’or et de soie. C’est déjà presque une toilette et un ameublement de conte de fées ; de la même plume, Mme d’Aulnoy décrira la parure des féeriques princesses, et l’on se demande si