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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

grâce et de beauté ; mais, irréfléchies et frivoles plus que de simples femmes, elles ont oublié de lui donner de l’esprit, et la fée Harpagine en profite pour la doter d’une formidable sottise. La fée Ninette, sa protectrice, compte beaucoup sur ses talents d’éducatrice et sur son brillant salon littéraire, pour éveiller l’intelligence de Zirphile. Car cette mignonne fée Ninette, que l’on dirait portraiturée d’après nature, attribue la plus haute importance à l’aimable compagnie de gens lettrés et spirituels qu’elle reçoit. Elle est toute petite et toute gracieuse. Duclos nous la montre comme une délicieuse figurine. Elle a tant d’esprit qu’elle voit toujours au delà des objets présents, ce qui l’empêche de les distinguer parfaitement ; elle est si vive, si remuante, si empressée, que l’on ne sait comment modérer son agitation. Ses sœurs les fées s’emploient à corriger ces qualités excessives, — excessives jusqu’à devenir des défauts, et lui font deux présents : une paire de lunettes pour accommoder sa vue à la réalité, une béquille pour régler sa marche ; ce furent les premières lunettes et la première béquille.

Les deux fées s’occupent de leurs élèves respectifs. Il importe à Harpagine qui veut, dans l’avenir, rendre Acajou amoureux de sa repoussante personne, qu’il ne soit pas intelligent, et, comme il annonce de brillantes dispositions intellectuelles, elle veut lui faire avaler des dragées de présomption et des dragées de mauvais goût ou de jugement faux. L’avisé petit s’y refuse, et un voyageur, acceptant de transporter ces malencontreuses dragées, se charge de les répandre par le monde.

D’autre part, Zirphile reste simple au milieu du salon littéraire de la fée Ninette. Les habitués de ce