Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
LES FÉES DU CYCLE BRETON

fameux chefs bretons, Ambroise-Aurélien, Uter-Pendragon, Arthur, se seraient laissé guider par ses conseils. Il aurait été lui-même un prince commandant aux « Démètes » superbes, et possédant la science de l’avenir. Rome même, et l’empereur Jules César, auraient expérimenté son pouvoir de divination. Il était prophète, magicien. Tel le moyen âge se figura Virgile, tel était déjà Merlin, Parmi tous les prodiges qui lui sont attribués, il n’en est pas de plus typique que l’enchantement des pierres précieuses : ces pierres précieuses n’appartiennent pas à des joyaux, elles sont de rudes et formidables pierres druidiques. Merlin, pour honorer les guerriers morts, ou pour donner un monument funéraire au roi Ambroise, enchante ces pierres avec sa harpe et les transporte de l’île d’Irlande à celle de la Grande-Bretagne.

Par moments, la folie se serait emparée de Merlin ; les conteurs nous le montrent, après la mort de ses compagnons d’armes, réfugié dans les forêts, fuyant les hommes, errant sous de grands chênes celtiques, et s’appliquant à l’étude des arbres, des pierres et des astres.

Il est puissant et sauvage comme les arbres et les rochers ; comme eux, il gémit quand la tempête le frappe, et la douleur d’une nation passe à travers ses gémissements. D’un loup il fait sa société. Cependant, il avait des amis qui regrettaient son absence, et, s’il faut en croire la Vita Merlini, qu’écrivit en 1149, Geoffroy de Monmouth, de tendres cœurs de femmes se lamentaient pour Merlin : ceux d’une épouse et d’une sœur. La femme s’appelait Gwendoloena, la sœur s’appelait Gwendydd ou Ganieda ; celle-ci était mariée au roi Rodarcus, et celle-là vivait à la cour de son beau-frère.