Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/377

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
365
LA FÉERIE ROMANTIQUE EN FRANCE

aussi, et il disait que ce n’était pas sa faute, parce qu’il avait la foudre dans le cœur. Et un beau jour, c’est-à-dire, un mauvais jour, j’ai failli être brisée comme ton pommier fleuri ; mais cela m’a corrigée de croire aux nuages et j’ai cessé d’en voir. Méfie-toi des nuages qui passent, Catherine, des nuages roses surtout. Ils promettent le beau temps et portent en eux la tempête. Allons ! reprends ta quenouille, et file un peu ou fais un somme, tu fileras mieux après. Il ne faut jamais se décourager. Les rêves s’envolent, le travail reste. » Que de charme dans cette sagesse automnale !

Tels étaient les conseils voilés de féerie que donnait à l’enfant la grand’mère. Et l’enfant qui l’écoutait, ravie, ne percevait pas l’écho d’une plainte ou d’une souffrance. Ce nuage en habit d’or et à plumet blanc était un peu bien romantique. Et, lorsqu’on était romantique, on voulait avoir la foudre dans le cœur, et l’on voulait aussi que ce fût la faute du destin. Il y a des foudres théâtrales qui feraient moins de mal que de bruit, si l’on ne prêtait foi à leur danger. Eugénie de Guérin regardait les nuages autrement que les regardait George Sand, et son tout petit livre durera plus sans doute que les nombreux volumes de la romancière, parce qu’il renferme plus d’idées éternelles. Mais je m’attendris sur quelques phrases de cette douce et laborieuse grand’mère : « Il faut se méfier de tout ce qui change, et les nuages sont ce qu’il y a de plus changeant dans le monde… » Après, toutefois, le cœur humain ; et la grand’mère le savait, si elle n’osait le dire à la petite-fille. Il faut avoir considéré longuement le spectacle du monde pour sentir la tristesse qu’exhalent dans leur parfum les rosiers de Paestum qui fleurissent deux fois l’an.