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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

monde de bestioles, si désarmé devant le moindre fléau de la nature, comme devant la moindre attaque du génie humain ! Marguerite avait-elle donné trop vite l’ordre de dessécher les douves ? La grand’mère, qui ressemblait peut-être à Mme Dupin, ne s’en plaignit pas : il est vrai que leur emplacement était désormais occupé par des jardins et des vergers, pleins de fleurs, de fruits et d’oiseaux, où Marguerite élevait des paons et des cygnes. La grand’mère ne se plaignit pas, mais elle soupira. Elle regrettait les belles et claires eaux de sa jeunesse, tout en admirant l’agrément et l’utilité du présent. Marguerite se rappelait aussi la gracieuse sauvagerie des plantes aquatiques et des fantastiques bestioles. Une grenouille de taille plus imposante que celle de ses sœurs apparaît comme une fée sous ce nom, la reine Coax, et un cygne blanc, le beau Névé, se montre comme un génie tutélaire, veillant sur la destinée de Marguerite. Coax patronne un prétendant que Névé s’efforce de contrecarrer, et il se trouve que le cygne blanc a raison.

Il y a des scènes de féerie charmantes, mais en féerie, si ce n’est en autre chose, George Sand est toujours un peu timide, et quand le fantastique paraît triompher, elle nous laisse deviner que le héros ou l’héroïne ont peut-être rêvé.

Féerie des animaux et des pierres, George Sand prête volontiers de son âme aux phénomènes naturels, que ce soit le Géant Yéous, pseudonyme d’une roche, ou l’Orgue de Titan, mélange d’hallucination et de singularité acoustique… Le Chien et la Fleur sacrée nous rappelle, mises à la portée des enfants sous forme de conte, certaines idées d’évolution et de transmigration des âmes. Dans le Manteau rouge,