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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

les contes d’Andersen ressemblent peu aux autres contes. À Naples, Basile vivait au bord d’une mer azurée, parmi ses sœurs belles, rieuses et musiciennes, et le souci du lendemain était allégé par la douceur du jour présent. À Paris, le petit Perrault, que choyait une famille aisée, honorée, s’exilait de la classe et allait achever ses études sous les ombrages du Luxembourg. À Venise, le jeune Gozzi pouvait se distraire du palais délabré qui l’avait vu naître, en flânant sur le quai des Esclavons, au milieu de la foule chatoyante et bigarrée de tous les reflets d’Orient. Mais Andersen n’a connu que des rivages monotones sous l’immense ciel gris, des villes proprettes et mélancoliques, et le fond des rêves qui, chez lui, ont pris la forme de contes, est triste parfois comme la plainte du vent à travers les espaces, ou comme la plainte de l’âme aux heures où le divin lui cache ses rayons.

Où ce petit paria prit-il le goût de la célébrité ? Dans le rêve, sans doute, qu’il tenait de l’héritage de son père. Fût-ce le souhait d’une revanche sur sa vie obscure, méprisée, humiliée, qui le lui inspira ? Après sa confirmation, il alla à Copenhague et s’engagea dans un théâtre pour y chanter. Hélas ! Il perdit la voix. Alors il se fit danseur, et vécut comme il pouvait, si cela s’appelle vivre que de mourir de faim et de froid dans un sordide quartier de Copenhague.

Je ne sais s’il invoqua parfois la vierge des glaces ou s’il conserva le vif espoir d’un lendemain meilleur. Des personnes s’intéressèrent à lui, le firent admettre à l’école latine. Il connut les œuvres de Walter Scott, d’Hoffmann, de Heine, de Jean-Paul, et s’imprégna de leur influence, surtout de celle de