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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

yeux, mais, afin de ne point passer pour sot et de ne pas s’exposer à perdre sa place, on mourrait plutôt que d’avouer que l’empereur semble marcher dans le plus simple appareil : « Il est tout nu ! » s’écrie un petit enfant. Et le bruit s’en répand à travers le peuple qui n’a rien à perdre, qui ne bénéficie d’aucune charge bonne à garder, et qui ne s’attache pas au moindre souci de renommée… Comme un sentiment juste éveille presque toujours des échos dans le cœur humain, l’empereur songe mélancoliquement que c’est assez vraisemblable, mais il ne le dit pas, et il continue à marcher dans sa solennité, suivi des chambellans qui se redressent plus que jamais en feignant de porter la traîne inexistante. Il est à présumer que les deux coquins furent maintenus dans leur charge. Ah ! la vieille, la bonne, la délicieuse histoire !

Pas plus que les fées, les princes et princesses de ces légendes ne ressemblent aux personnages des autres conteurs.

Que de « plus belles étoffes du monde » ne conservent leur prestige que par un procédé analogue ! Et de braves gens qui risqueraient fort bien leur vie à la guerre n’auront jamais le courage de formuler la réflexion du petit enfant. Mais vous devinez que l’âme d’Andersen, tout entière, sympathise avec celle du petit enfant et celle du menu peuple. Il n’a pas de goût pour les gens à prétentions intellectuelles ou nobiliaires. Il montre assez d’irrévérence aux personnages de cour : « Ils avaient, du reste, de superbes habits, et, comme ils ne servaient que pour la décoration de la salle, c’était bien tout ce qu’il fallait, d’autant que les courtisans en chair et en os n’ont souvent pas plus de cœur et de cervelle que ces man-