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Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/426

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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Ce philosophe d’outre-Manche a écrit une page charmante sur le rôle du verre dans la féerie. Pantoufles de verre, palais de verre, quenouilles de verre, il est certain que le verre y abonde : « Tout le monde peut vivre dans une maison de verre, s’il ne se trouve personne pour y jeter des cailloux… Souvenez-vous cependant que ce n’est pas la même chose d’être fragile que d’être éphémère… Heurtez un verre ; il ne durera pas un instant… Évitez simplement de le heurter : il durera mille ans. Ainsi semblait-il en être au pays des elfes, sur la terre. Le bonheur dépendait d’une chose que l’on ne devait pas faire, et que l’on aurait pu faire à chaque instant… » Si étrange, si insignifiante paraît être la chose à ne pas faire. « Un mot est oublié, et des cités périssent. Une lampe est allumée, et l’amour s’enfuit. Une fleur est arrachée, et des vies humaines se perdent… »

De même il est un atome de vérité qui vous paraît fort indifférent à votre vie morale, et vous jugez inutile de le retenir ; s’il s’échappe, cette même vie morale vous semblera plus languissante. Pourquoi ? C’est que l’absence d’une vérité dans votre atmosphère — quelle que soit cette vérité, morale ou métaphysique — y diminue la somme d’air respirable.

Le monde de la féerie n’est donc pas absolument étranger au monde de la réalité ; certaines vérités y demeurent hospitalisées ; certaines autres y sont rappelées par des symboles. M. G. K. Chesterton remarque que la féerie obéit aux lois de l’imagination humaine, et que ses limites sont celles de l’imagination. Il est parfaitement aisé d’imaginer un monde où les feuillages seraient bleus, où les