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ÉPILOGUE

chanteur invite à voyager la dernière fée ; mais devant les locomotives, les automobiles, la lumière électrique, ils constatent que leur puissance n’est qu’un jeu d’enfant, et ils s’éloignent mélancoliquement d’une civilisation trop avancée. Quelques mois plus tard, ils eussent rencontré des aéroplanes, et se fussent rappelé tristement les beaux jours d’Atlante.

Mais je ne suis pas sûre que la dernière fée se soit sentie, devant la science, aussi profondément humiliée que veut bien nous le dire M. Pierre Veber. C’est une personne assez fine pour remarquer que le bouton électrique, tourné de telle façon, produit immanquablement la lumière ; que la force qui lance de lourds véhicules à travers l’espace est maîtrisée et asservie ; si nous désirons savoir ce que pense la légère petite fée, il faut recueillir sur la psychologie féerique toutes les notions éparses que nous en offrent légendes et poèmes. Les fées sont filles du caprice, disions-nous au début de cette étude ; et nous avons aussi parlé d’une relation qui existe entre elles et la fatalité. Filles du caprice, elles riraient au nez de la science, et s’enorgueilliraient de ne point faire venir la lumière, comme elles se fussent enorgueillies autrefois de l’évoquer. Filles de la fatalité, elles reconnaîtraient une sœur glorieuse dans cette science soumise comme elles à des lois supérieures et inflexibles. Dans l’imagination populaire, l’existence légendaire des fées semble ainsi reposer sur une intime contradiction ; le caprice et la fatalité ne s’excluent-ils pas l’un l’autre ? Tout nous porte à supposer qu’elles sont nées d’une alliance conclue entre ces deux éléments d’apparences irréconciliables.

Mais, dans le domaine moral, le caprice ne provient