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ÉPILOGUE

Merlin de sa folie, et lui donnait la plus haute leçon ? La voix anonyme qui prononce, à la fin des chansons bretonnes, les mots de suprême sagesse ? Ici, pourquoi ne serait-ce pas la voix des résignées, de celles qui ne délaissèrent point l’aiguille, la navette et le fuseau ; qui souffrirent en silence, et dont le cœur demeura pur :

« Prenez bien garde, jeune Loïza, prenez garde à votre âme ; si ce monde est à vous, l’autre appartient à Dieu… »

N’est-ce point aussi la prétention des sorcières de Macbeth, de faire tourner la terre à rebours, quand elles hurlent le sinistre refrain : « Le beau est laid, le laid est beau » ? Mais les clameurs des sorcières de Macbeth, pas plus que l’orgueilleux cri de Loïza, ne feront que la terre tourne à rebours, ou que le beau soit laid, et le laid beau.

La Manto de Dante a quelque parenté plus ou moins proche avec les sorcières de Macbeth, et l’Héloïse de la chanson bretonne. Elles ont toutes voulu renverser l’ordre éternel, et toutes n’ont détruit que l’harmonie de leur être propre ; parce que cette harmonie est détruite, elles ont cru l’ordre éternel renversé. Le monde ne tourne pas à rebours ; c’est leur visage qui se tourne maintenant à rebours, à tout jamais.


III


La féerie, comme la mythologie, semble avoir parfois d’étranges pressentiments, peut-être une philosophie intuitive et latente, sur la souffrance et