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Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/436

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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

price, de rêve et d’illusion. C’est d’une façon tout exceptionnelle qu’elles ont effleuré la haute poésie, passant à travers l’œuvre d’un Tasse ou d’un Shakespeare, sous les traits d’une Armide « dolente più che nulla », ou d’une Titania follement énamourée.

Il y a quelque chose d’instructif dans l’indifférence de l’art pour un certain merveilleux. Nous le voyons s’attacher tour à tour aux récits de la fable et aux traditions sacrées, mais il ne se souvient presque jamais des légendes féeriques. La Victoire de Samothrace est une déesse, non pas une fée, et il suffit de mesurer l’envergure de ses ailes pour deviner que, dès leur premier vol, elles palpiteront vers un idéal plus haut que l’idéal féerique. La peinture et la sculpture évoqueront des anges, des saints, des moines, des pénitents ; elles évoqueront, comme autour du campanile de Florence, les humbles métiers de la cité primitive, ou, comme chez les maîtres hollandais, les vulgaires occupations de la vie quotidienne ; mais nulle statue glorieuse, nulle toile illustre, ne nous donneront les traits d’une Alcine ou d’une Morgane.

Armide échappe à cette règle, puisqu’elle inspire la musique de Gluck, mais Armide nous représente surtout une grande figure d’amoureuse, et Armide, avant d’être une fée, est la poésie du Tasse. Les délicieuses mélodies de Mozart existeraient sans être accompagnées de l’ennuyeux libretto de la Flûte Enchantée.

La figure de Desdémone est supérieure à celle de Titania. La figure de Bérénice est supérieure à celle de toutes les fées.

Car, si les fées, d’après le vieux symbole et la