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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Dans le dialogue de la conversion, le tendre et vénérable Cadoc est, en toutes lettres, nommé. Le saint est venu d’Armorique en Écosse. Merlin ne cherche plus le gui, le cresson, ni l’herbe d’or ; il a reconnu lui-même la vanité de sa superstition, il souffre, et rien ne le console désormais.

Du temps que j’étais barde dans le monde, j’étais honoré de tous les hommes… Sitôt que ma harpe chantait, des arbres tombait l’or brillant ; les rois du pays m’aimaient ; les rois étrangers me craignaient. Le pauvre petit peuple disait : « Chante, Merlin, chante toujours. » Ils disaient, les Bretons : « Chante, Merlin, ce qui doit arriver… »

Je l’ai perdue, ma harpe ; ils sont coupés, les arbres d’où tombait l’or brillant. Les rois des Bretons sont morts, les rois étrangers oppriment le pays… Ils m’appellent Merlin le fou, et tous me chassent à coups de pierre.

Saint Cadoc a pitié de cette détresse immense ; il tend les bras à ce sauvage Merlin qui s’avoue conquis par l’apôtre :

Pauvre cher innocent, revenez au Dieu qui est mort pour vous. Celui-là aura pitié de vous ; à qui met sa confiance en lui, il donne le repos. — En lui, reprend Merlin désabusé, j’ai mis ma confiance ; en lui, j’ai confiance encore ; à lui, je demande pardon. — Par moi t’accordent pardon le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Merlin, absous, entonne son action de grâces.

Je pousserai un cri de joie en l’honneur de mon Roi, vrai Dieu et vrai Homme ! Je chanterai ses miséricordes d’âge en âge, et au delà des âges.

M. de la Villemarqué voit, dans cette légende de Merlin, telle qu’elle est racontée par les chants bretons, l’allégorie de la lutte religieuse, qui marque,