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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Il s’agit d’une musique lente, douce et voluptueuse, qu’aimèrent les châtelaines et les belles des cours d’amour. Elle éveillait dans les âmes le regret nostalgique du passé.

Le lai escoutent d’Aelis
Que un Irois (Irlandais) doucement note.
Mout bien le sonne ens sa rote.
Après ce lai autre comence
Nus d’eux ne toise ne ne tense.
Le lai lor sone d’Orféi,
Et quand icel lai est feni,
Les chevaliers après parlèrent,
Les aventures racontèrent,
Qui soventes fois sont venues,
Et par Bretagne sont seues…

De quoi parlent-ils, ces chevaliers, si ce n’est de l’espérance de Bretagne, d’Arthur qui n’est pas mort mais qui rêve en écoutant la harpiste Thiten moduler de semblables mélodies, dans l’île bienheureuse de la fée Morgane ; qui rêve au jour où il viendra délivrer son peuple et sa race de la tyrannie de l’oppresseur ? Île d’Avalon, île Fortunée que l’on appelle également île Perdue-en-mer, comme pour justifier le mot de Nietzsche : « Il n’est plus d’îles bienheureuses ! »

Il n’est plus d’îles bienheureuses ! C’est ce que voulut faire entendre aux Bretons le roi d’Angleterre, Henri II. Las des prophéties annonçant le retour victorieux d’Arthur, il voulut détruire l’espoir celtique ; il imagina, dit-on, un stratagème. Certains croyaient reconnaître les pommiers d’Avalon dans les pommiers de Glastonbury : là s’élevait la Noire-Abbaye, gouvernée par un neveu du roi. Le prince y ordonna des fouilles qui découvrirent bientôt les