Page:Fénélon - Oeuvres complètes, Tome XVII, 1830.djvu/46

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contre la présomption. Vous voyez, direz-vous, que vous êtes plus raisonnable maintenant que vous ne l’étiez l’année passée ; dans un an vous verrez encore des choses que vous n’êtes pas capable de voir aujourd’hui. Si, l’année passée, vous aviez voulu juger des choses que vous savez maintenant, et que vous ignoriez alors, vous en auriez mal jugé. Vous auriez eu grand tort de prétendre savoir ce qui était au-delà de votre portée. Il en est de même aujourd’hui des choses qui vous restent à connaître : vous verrez un jour combien vos jugements présents sont imparfaits. Cependant fiez-vous aux conseils des personnes qui jugent comme vous jugerez vous-même quand vous aurez leur âge et leur expérience. La curiosité des enfants est un penchant de la nature, qui va comme au-devant de l’instruction ; ne manquez pas d’en profiter. Par exemple, à la campagne ils voient un moulin, et ils veulent savoir ce que c’est ; il faut leur montrer comment se prépare l’aliment qui nourrit l’homme. Ils aperçoivent des moissonneurs, et il faut leur expliquer ce qu’ils font, comment est-ce qu’on sème le blé, et comment il se multiplie dans la terre. À la ville, ils voient des boutiques où s’exercent plusieurs arts, et où l’on vend diverses marchandises. Il ne faut jamais être importuné de leurs demandes ; ce sont des ouvertures que la nature vous offre pour faciliter l’instruction : témoignez y prendre plaisir ; par là, vous leur enseignerez insensiblement comment se font toutes les choses qui servent à l’homme, et sur lesquelles roule le commerce. Peu à peu, sans étude particulière, ils connaîtront la bonne manière de faire toutes ces choses qui sont de leur usage, et le juste prix de chacune, ce qui est le vrai fond de l’économie. Ces connaissances, qui ne doivent être méprisées de personne, puisque tout le monde a besoin de ne pas se laisser tromper dans sa dépense, sont principalement nécessaires aux filles.