Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/203

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cité. Pour bien gouverner un peuple, il faut peu de juges et peu de lois. Il y a peu d’hommes capables d’être juges ; la multitude des juges corrompt tout. La multitude des lois n’est pas moins pernicieuse ; on ne les entend plus, on ne les garde plus. Dès qu’il y en a tant, on s’accoutume à les révérer en apparence, et à les violer sous de beaux prétextes. La vanité les fait faire avec faste ; l’avarice et les autres passions les font mépriser. On s’en joue par la subtilité des sophistes, qui les expliquent comme chacun le demande pour son argent ; de là naît la chicane, qui est un monstre né pour dévorer le genre humain. Je juge des causes par leurs effets. Les lois ne me paraissent bonnes que dans les pays où l’on ne plaide point, et où des lois simples et courtes ont évité toutes les questions. Je ne voudrais ni dispositions par testament, ni adoptions, ni exhérédations, ni substitutions, ni emprunts, ni ventes, ni échanges. Je ne voudrais qu’une étendue très bornée de terre dans chaque famille ; que ce bien fût inaliénable, et que le magistrat le partageât également aux enfants selon la loi, après la mort du père. Quand les familles se multiplieraient trop à proportion de l’étendue des terres, j’enverrais une partie du peuple faire une colonie dans quelque île déserte. Moyennant cette règle courte et simple, je me passerais de tout votre fatras de lois, et je ne songerais qu’à régler les mœurs, qu’à élever la jeunesse à la sobriété, au travail, à la patience, au mépris de la mollesse, au courage contre les douleurs et contre la mort. Cela vaudrait mieux que de subtiliser sur les contrats ou sur les tutelles.

Justinien. — Vous renverseriez par des lois si