Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grandeur ? N’ai-je pas élevé jusqu’au ciel le mépris des richesses et des délices ?

Hérodote. — Il est vrai que tu as bien parlé de la vertu, mais pour blâmer les vices de tout le genre humain : c’était plutôt un goût de satire qu’un sentiment de solide philosophie. Tu louais même la vertu sans vouloir remonter jusqu’aux principes de religion et de philosophie qui en sont les vrais fondements.

Lucien. — Tu raisonnes mieux ici-bas que tu ne faisais dans tes grands voyages. Mais accordons-nous. Eh bien ! je n’étais pas assez crédule, et tu l’étais trop.

Hérodote. — Ah ! te voilà encore toi-même, tournant tout en plaisanterie. Ne serait-il pas temps que ton ombre eût un peu de gravité ?

Lucien. — Gravité ! j’en suis las, à force d’en avoir vu. J’étais environné de philosophes qui s’en piquaient sans bonne foi, sans justice, sans amitié, sans modération, sans pudeur.

Hérodote. — Tu parles des philosophes de ton temps, qui avaient dégénéré ; mais…

Lucien. — Que voulais-tu donc que je fisse ? que j’eusse vu ceux qui étaient morts plusieurs siècles avant ma naissance ? Je ne me souvenais point d’avoir été au siège de Troie comme Pythagore. Tout le monde ne peut pas avoir été Euphorbe.

Hérodote. — Autre moquerie. Et voilà tes réponses aux plus solides raisonnements ! Je souhaite, pour ta punition, que les dieux que tu n’as pas voulu croire t’envoient dans le corps de quelque voyageur qui aille dans tous les pays dont j’ai raconté des choses que tu traites de fabuleuses.

Lucien. — Après cela, il ne me manquerait plus