ne trouvez-vous pas aussi que la liberté d’Athènes est dans une autre extrémité ?
Alcibiade. — Sparte est ce que j’ai vu de meilleur.
Socrate. — La servitude des Ilotes ne vous paraît-elle pas contraire à l’humanité ? Remontez hardiment aux vrais principes, défaites-vous de tous les préjugés ; avouez qu’en cela les Grecs sont eux-mêmes un peu barbares. Est-il permis à une partie des hommes de traiter l’autre comme des bêtes de charge ?
Alcibiade. — Pourquoi non, si c’est un peuple subjugué ?
Socrate. — Le peuple subjugué est toujours peuple ; le droit de conquête est un droit moins fort que celui de l’humanité. Ce qu’on appelle conquête devient le comble de la tyrannie et l’exécration du genre humain, à moins que le conquérant n’ait fait sa conquête par une guerre juste et n’ait rendu heureux le peuple conquis en lui donnant de bonnes lois. Il n’est donc pas permis aux Lacédémoniens de traiter si indignement les Ilotes, qui sont hommes comme eux. Quelle horrible barbarie que de voir un peuple qui se joue de la vie d’un autre et qui compte pour rien ses mœurs et son repos ! De même qu’un chef de famille ne doit jamais s’entêter pour la grandeur de sa maison jusqu’à vouloir troubler la paix et la liberté publique de tout le peuple, dont lui et sa famille ne sont qu’un membre ; de même c’est une conduite insensée, brutale et pernicieuse, que le chef d’une nation mette sa gloire à augmenter la puissance de son peuple en troublant le repos et la liberté des peuples voisins. Un peuple n’est pas moins un membre du genre humain, qui est la société