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XVIII

SOCRATE, ALCIBIADE ET TIMON


Juste milieu entre la misanthropie de Timon
et la philanthropie d’Alcibiade


Alcibiade. — Je suis surpris, mon cher Socrate, de voir que vous ayez tant de goût pour ce misanthrope, qui fait peur aux petits enfants.

Socrate. — Il faut être bien plus surpris de ce qu’il s’apprivoise avec moi.

Timon. — On m’accuse de haïr les hommes, et je ne m’en défends pas ; on n’a qu’à voir comment ils sont faits pour juger si j’ai tort. Haïr le genre humain, c’est haïr une méchante bête, une multitude de sots, de fripons, de flatteurs, de traîtres et d’ingrats.

Alcibiade. — Voilà un beau dictionnaire d’injures. Mais vaut-il mieux être farouche, dédaigneux, incompatible et toujours mordant ? Pour moi, je trouve que les sots me réjouissent et que les gens d’esprit me contentent. J’ai envie de leur plaire à mon tour, et je m’accommode de tout pour me rendre agréable dans la société.

Timon. — Et moi je ne m’accommode de rien ; tout me déplaît : tout est faux, de travers, insupportable ; tout m’irrite et me fait bondir le cœur. Vous êtes un protée qui prenez indifféremment toutes les formes les plus contraires, parce que vous ne tenez à aucune. Ces métamorphoses, qui ne vous coûtent rien, montrent un cœur sans principes, ni de justice, ni de vérité. La vertu,