Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/237

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a laissé gâter. Pour Proserpine, je lui dirai des nouvelles de la Sicile qu’elle a tant aimée ; je lui chanterai sur ma lyre les chansons qu’on y a faites en son honneur ; je lui parlerai des nymphes avec lesquelles elle cueillait des fleurs quand Pluton la vint enlever ; je lui dirai aussi toutes mes aventures, et il y aura bien du malheur si je ne puis lui plaire.

Mercure. — Tu vas gouverner les enfers ; je parierais pour toi : Pluton te fera entrer dans son conseil, et s’en trouvera mal. Voilà ce qui me console pour Jupiter mon père, que tu veux faire détrôner.

Alcibiade. — Pluton s’en trouvera fort bien, et vous le verrez.

Mercure. — Tu as donné de pernicieux conseils en ta vie.

Alcibiade. — J’en ai donné de bons aussi.

Mercure. — Celui de l’entreprise de Sicile était-il bien sage ? Les Athéniens s’en sont-ils bien trouvés ?

Alcibiade. — Il est vrai que je donnai aux Athéniens le conseil d’attaquer les Syracusains, non seulement pour conquérir toute la Sicile et ensuite l’Afrique, mais encore pour tenir Athènes dans ma dépendance. Quand on a affaire à un peuple léger, inégal, sans raison, il ne faut pas le laisser sans affaire ; il faut le tenir toujours dans quelque grand embarras, afin qu’il ait sans cesse besoin de vous, et qu’il ne s’avise pas de censurer votre conduite. Mais cette affaire, quoique un peu hasardeuse, n’aurait pas laissé de réussir si je l’eusse conduite. On m’a rappelé à Athènes pour une sottise, pour ces Hermès mutilés. Après mon départ, Lamachus périt comme un étourdi. Nicias