Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/240

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Pharnabaze commandait sur la côte d’Asie au nom du grand roi. Pour moi, ayant vu que les chefs athéniens se conduisaient avec témérité, et qu’ils ne voulaient pas même écouter mes avis, pendant que leur flotte était dans la rivière de la Chèvre, près de l’Hellespont, je leur prédis leur ruine, qui arriva bientôt après ; et je me retirai dans un lieu de Phrygie que les Perses m’avaient donné pour ma subsistance. Là je vivais content, désabusé de la fortune qui m’avait tant de fois trompé, et je ne songeais plus qu’à me réjouir. La courtisane Timandra était avec moi. Pharnabaze n’osa refuser ma mort aux Lacédémoniens : il envoya son frère Magæus pour me faire couper la tête et pour brûler mon corps. Mais il n’osa avec tous ses Perses entrer dans la maison où je demeurais ; ils mirent le feu tout autour, aucun d’eux n’ayant le courage d’entrer pour m’attaquer. Dès que je m’aperçus de leur dessein, je jetai sur le feu mes habits, toutes les hardes que je trouvai, et même les tapis qui étaient dans la maison : puis je mis mon manteau plié autour de ma main gauche et, de la droite tenant mon épée nue, je me jetai hors de la maison au travers de mes ennemis, sans que le feu me fît aucun mal ; à peine brûla-t-il un peu mes habits. Tous ses barbares s’enfuirent dès que je parus ; mais, en fuyant, ils me tirèrent tant de traits, que je tombai percé de coups. Quand ils se furent retirés, Timandra alla prendre mon corps, l’enveloppa, et lui donna la sépulture le plus honorablement qu’elle put.

Mercure. — Cette Timandra n’est-elle pas la mère de la fameuse courtisane de Corinthe nommée Laïs ?