XXIII
PLATON ET DENYS LE TYRAN
Denys. — Hé ! bonjour, Platon ; te voilà comme je t’ai vu en Sicile.
Platon. — Pour toi, il s’en faut bien que tu sois ici aussi brillant que sur ton trône.
Denys. — Tu n’étais qu’un philosophe chimérique ; ta république n’était qu’un beau songe.
Platon. — Ta tyrannie n’a pas été plus solide que ma république ; elle est tombée par terre.
Denys. — C’est ton ami Dion qui me trahit.
Platon. — C’est toi qui te trahis toi-même. Quand on se fait haïr, on a tout à craindre.
Denys. — Mais aussi, quel plaisir de se faire aimer ! Pour y parvenir, il faut contenter les autres. Ne vaut-il pas mieux se contenter soi-même, au hasard d’être haï ?
Platon. — Quand on se fait haïr pour contenter ses passions, on a autant d’ennemis que de sujets ; on n’est jamais en sûreté. Dis-moi la vérité ; dormais-tu en repos ?
Denys. — Non, je l’avoue. C’est que je n’avais pas encore fait mourir assez de gens.
Platon. — Hé ! ne vois-tu pas que la mort des uns t’attirait la haine des autres ; que ceux qui voyaient massacrer leurs voisins attendaient de périr à leur tour, et ne pouvaient se sauver qu’en te prévenant ? Il faut, ou tuer jusqu’au dernier des