Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/279

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pour philosophe, je ne puis en convenir ; on ne l’est pas à si bon marché.

Cicéron. — Vous ne savez pas ce qu’il m’en a coûté : mes veilles, mes travaux, mes méditations, les livres que j’ai lus, les maîtres que j’ai écoutés, les traités que j’ai composés.

Démosthène. — Tout cela n’est point la philosophie.

Cicéron. — Que faut-il donc de plus ?

Démosthène. — Il faut faire ce que vous avez dit de Caton, en vous moquant de lui : étudier la philosophie, non pour en discourir, comme la plupart des hommes, mais pour la réduire en pratique.

Cicéron. — Et ne l’ai-je pas fait ? n’ai-je pas vécu conformément à la doctrine de Platon et d’Aristote, que j’avais embrassée ?

Démosthène. — Laissons Aristote : je lui disputerais peut-être la qualité de philosophe ; et je ne puis avoir grande opinion d’un Grec qui s’est attaché à un roi, et encore à Philippe. Pour Platon, je vous maintiens que vous n’avez jamais suivi ses maximes.

Cicéron. — Il est vrai que dans ma jeunesse et pendant la plus grande partie de ma vie, j’ai suivi la vie active et laborieuse de ceux que Platon appelle politiques ; mais quand j’ai vu que ma patrie avait changé de face, et que je ne pouvais plus lui être utile par les grands emplois, j’ai cherché à la servir par les sciences, et je me suis retiré dans mes maisons de campagne pour m’adonner à la contemplation et à l’étude de la vérité.

Démosthène. — C’est-à-dire que la philosophie a été votre pis aller quand vous n’avez plus eu de