Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/281

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sonne. J’ai compris de bonne heure qu’il fallait choisir entre la rhétorique et la philosophie, et que chacune demandait un homme entier. Le désir de la gloire m’a touché ; j’ai cru qu’il était beau de gouverner un peuple par mon éloquence, et de résister à la puissance de Philippe, n’étant qu’un simple citoyen, fils d’un artisan. J’aimais le bien public et la liberté de la Grèce ; mais, je l’avoue à présent, je m’aimais encore plus moi-même, et j’étais fort sensible au plaisir de recevoir une couronne en plein théâtre, et de laisser ma statue dans la place publique avec une belle inscription. Maintenant je vois les choses d’une autre manière, et je comprends que Socrate avait raison quand il soutenait à Gorgias, que « l’éloquence n’était pas une si belle chose qu’il pensait, dût-il arriver à sa fin, et rendre un homme maître absolu dans sa république. » Nous y sommes arrivés, vous et moi ; avouez que nous n’en avons pas été plus heureux.

Cicéron. — Il est vrai que notre vie n’a été pleine que de travaux et de périls. Je n’eus pas sitôt défendu Roscius d’Amérie, qu’il fallut m’enfuir en Grèce, pour éviter l’indignation de Sylla. L’accusation de Verrès m’attira bien des ennemis. Mon consulat, le temps de ma plus grande gloire, fut aussi le temps de mes plus grands travaux et de mes plus grands périls ; je fus plusieurs fois en danger de ma vie, et la haine dont je me chargeai alors éclata ensuite par mon exil. Enfin ce n’est que mon éloquence qui a causé ma mort ; et si j’avais moins poussé Antoine, je serais encore en vie. Je ne vous dis rien de vos malheurs, vous les savez mieux que moi ; mais il ne nous en faut pren-