Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/286

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autant de gouvernements bizarres qu’il y a de têtes mal faites, ont conclu que rien n’était si capital au repos du genre humain que d’assujettir la multitude aux lois établies en chaque lieu. N’est-il pas vrai que c’est là le règlement que les hommes sages ont fait en tous les pays, comme le fondement de toute société ?

Coriolanus. — Il est vrai.

Camillus. — Ce règlement était nécessaire.

Coriolanus. — Il est vrai encore.

Camillus. — Non seulement il est sage, juste et nécessaire en lui-même, mais encore il est autorisé par le consentement presque universel, ou du moins du plus grand nombre. S’il est nécessaire pour la vie humaine, il n’y a que les hommes indociles et déraisonnables qui le rejettent.

Coriolanus. — J’en conviens ; mais il n’est qu’arbitraire.

Camillus. — Ce qui est essentiel à la société, à la paix, à la sûreté des hommes ; ce que la raison demande nécessairement, doit être fondé dans la nature raisonnable même et n’est point arbitraire. Donc cette subordination n’est point une invention pour mener les esprits faibles ; c’est au contraire un lien nécessaire que la raison fournit pour régler, pour pacifier, pour unir les hommes entre eux. Donc il est vrai que la raison, qui est la vraie nature des animaux raisonnables, demande qu’ils s’assujettissent à des lois et à certains hommes qui sont en la place des premiers législateurs qu’en un mot, ils obéissent ; qu’ils concourent tous ensemble aux besoins et aux intérêts communs ; qu’ils n’usent de leur liberté que selon la raison, pour affermir et perfectionner la société. Voilà ce