Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/295

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ce maître d’école me fait grand honneur. Les Falériens avaient, à la mode des Grecs, un homme instruit des lettres pour élever leurs enfants en commun, afin que la société, l’émulation et les maximes du bien public les rendissent encore plus les enfants de la république que de leurs parents ; ce traître me vint livrer toute la jeunesse des Falériens. Il ne tenait qu’à moi de subjuguer ce peuple, ayant de si précieux otages ; mais j’eus horreur du traître et de la trahison. Je ne fis pas comme ceux qui ne sont qu’à demi gens de bien et qui aiment la trahison, quoiqu’ils détestent le traître ; je commandai aux licteurs de déchirer les habits du maître d’école ; je lui fis lier les mains derrière le dos, et je chargeai les enfants mêmes de le ramener en le fouettant jusque dans leur ville. Est-ce aimer la bonne foi ? qu’en croyez-vous, Fabius, parlez ?

Fabius. — Je crois que cette action est belle, et elle vous relève plus que la prise de Véies.

Camillus. — Mais savez-vous la suite ? Elle marque bien ce que fait la vertu, et combien la générosité est plus utile pour la politique même que la finesse.

Fabius. — N’est-ce pas que les Falériens, touchés de votre bonne foi, vous envoyèrent des ambassadeurs pour se mettre, eux et leur ville, à votre discrétion, disant qu’ils ne pouvaient rien faire de meilleur pour leur patrie que de la soumettre à un homme si juste et si ennemi du crime ?

Camillus. — Il est vrai ; mais je renvoyai leurs ambassadeurs à Rome, afin que le sénat et le peuple décidassent.