Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/322

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pour vivre ou pour mourir. Caton ne pouvait que mourir ; son fils, moins grand que lui, pouvait encore supporter la vie, et espérer, à cause de sa jeunesse, des temps plus libres et plus heureux. Hélas ! que ne souffrais-je point lorsque je laissais aller mon fils vers le tyran !

César. — Mais pourquoi me donnes-tu le nom de tyran ? Je n’ai jamais pris le titre de roi.

Caton. — Il est question de la chose, et non pas du nom. De plus, combien de fois te vit-on prendre divers détours pour accoutumer le sénat et le peuple à ta royauté ! Antoine même, dans la fête des Lupercales, fut assez impudent pour te mettre, sous une apparence de jeu, un diadème autour de la tête. Ce jeu parut trop sérieux et fit horreur. Tu sentis bien l’indignation publique, et tu renvoyas à Jupiter un honneur que tu n’osais accepter. Voilà ce qui acheva de déterminer les conjurés à ta perte. Eh bien ! ne savons-nous pas ici-bas d’assez bonnes nouvelles ?

César. — Trop bonnes ! Mais tu ne me fais pas justice. Mon gouvernement a été doux ; je me suis comporté en vrai père de la patrie : on en peut juger par la douleur que le peuple témoigna après ma mort. C’est un temps où tu sais que la flatterie n’est plus de saison. Hélas ! ces pauvres gens, quand on leur présenta ma robe sanglante, voulurent me venger. Quels regrets ! quelle pompe au champ de Mars à mes funérailles ! Qu’as-tu à répondre ?

Caton. — Que le peuple est toujours peuple, crédule, grossier, capricieux, aveugle, ennemi de son véritable intérêt. Pour avoir favorisé les successeurs du tyran et persécuté ses libérateurs,