Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/334

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apaiser l’envie, pour guérir les soupçons, pour charmer les patriciens et les plébéiens ?

César. — Le voulez-vous savoir, faites comme moi : je ne vous conseille que ce que je pratique moi-même.

Pompée. — Quoi ! flatter le peuple sous une apparence de justice et de liberté ? faire le tribun ardent et zélé, le Gracchus ?

César. — C’est quelque chose, mais ce n’est pas tout ; il y a quelque chose de bien plus sûr.

Pompée. — Quoi donc ? est-ce quelque enchantement magique, quelque invocation de génie, quelque science des astres ?

César. — Bon ! tout cela n’est rien ; ce ne sont que contes de vieilles.

Pompée. — Oh, oh ! vous êtes bien méprisant. Vous avez donc quelque commerce avec les dieux, comme Numa, Scipion, et plusieurs autres ?

César. — Non, tous ces artifices-là sont usés.

Pompée. — Quoi donc enfin ? ne me tenez plus en suspens.

César. — Voici les deux points fondamentaux de ma doctrine : premièrement, corrompre toutes les femmes pour entrer dans le secret le plus intime de toutes les familles ; secondement, emprunter et dépenser toujours sans mesure, ne payer jamais rien. Chaque créancier est intéressé à avancer votre fortune, pour ne perdre point l’argent que vous lui devez. Ils vous donnent leurs suffrages ; ils remuent ciel et terre pour vous procurer ceux de leurs amis. Plus vous avez de créanciers, plus votre brigue est forte. Pour me rendre maître de Rome, je travaille à être le débiteur universel de toute la ville. Plus je suis ruiné, plus je suis puis-