Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/344

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comédien le plus parfait de l’empire : j’étais même bon poète.

Caligula. — Du moins tu le croyais, mais les autres n’en croyaient rien ; on se moquait de ta voix et de tes vers.

Néron. — On ne s’en moquait pas impunément. Lucain se repentit d’avoir voulu me surpasser.

Caligula. — Voilà un bel honneur pour un empereur romain que de monter sur le théâtre comme un bouffon, d’être jaloux des poètes et de s’attirer la dérision publique !

Néron. — C’est le voyage que je fis dans la Grèce qui m’échauffa la cervelle sur le théâtre et sur toutes les représentations.

Caligula. — Tu devais demeurer en Grèce pour y gagner ta vie en comédien, et laisser faire un autre empereur à Rome, qui en soutînt mieux la majesté.

Néron. — N’avais-je pas ma maison dorée, qui devait être plus grande que les plus grandes villes ? Oui-da, je m’entendais en magnificence.

Caligula. — Si on l’eût achevée, cette maison, il aurait fallu que les Romains fussent allés loger hors de Rome. Cette maison était proportionnée au colosse qui te représentait, et non pas à toi, qui n’étais pas plus grand qu’un autre homme.

Néron. — C’est que je visais au grand.

Caligula. — Non ; tu visais au gigantesque et au monstrueux. Mais tous ces beaux desseins furent renversés par Vindex.

Néron. — Et les tiens par Chéréas, comme tu allais au théâtre.

Caligula. — À n’en point mentir, nous fîmes tous