Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/385

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Balue. — Point : je voulais que vous vendissiez chèrement cette pancarte crasseuse à la cour de Rome. Mais allons plus loin. Quand même je vous aurais trompé, qu’auriez-vous à me dire ?

Louis. — Comment ! à vous dire ? Je vous trouve bien plaisant. Si nous étions encore vivants, je vous remettrais bien en cage.

Balue. — Oh ! j’y ai assez demeuré. Si vous me fâchez, je ne dirai plus mot. Savez-vous bien que je ne crains guère les mauvaises humeurs d’une ombre de roi ? Quoi donc ? vous croyez être encore au Plessis-lez-Tours avec vos assassins ?

Louis. — Non ; je sais que je n’y suis pas, et bien vous en vaut. Mais enfin je veux bien vous entendre, pour la rareté du fait. Çà, prouvez-moi par vives raisons que vous avez dû trahir votre maître.

Balue. — Ce paradoxe vous surprend ; mais je m’en vais vous le vérifier à la lettre.

Louis. — Voyons ce qu’il veut dire.

Balue. — N’est-il pas vrai qu’un pauvre fils de meunier, qui n’a jamais eu d’autre éducation que celle de la cour d’un grand roi, a dû suivre les maximes qui y passaient pour les plus utiles et pour les meilleures, d’un commun consentement ?

Louis. — Ce que vous dites a quelque vraisemblance.

Balue. — Mais répondez oui ou non, sans vous fâcher.

Louis. — Je n’ose nier une chose qui paraît si bien fondée, ni avouer ce qui peut m’embarrasser par ses conséquences.

Balue. — Je vois bien qu’il faut que je prenne votre silence pour un aveu forcé. La maxime fon-