Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/389

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Commines. — Il est vrai, sire ; et j’ai parlé en bon domestique.

Louis. — Mais on assure que vous avez raconté bien des choses dont je me passerais volontiers.

Commines. — Cela peut être ; mais en gros j’ai fait de vous un portrait fort avantageux. Voudriez-vous que j’eusse été un flatteur perpétuel, au lieu d’être un historien ?

Louis. — Vous deviez parler de moi comme un sujet comblé des grâces de son maître.

Commines. — C’eût été le moyen de n’être cru de personne. La reconnaissance n’est pas ce qu’on cherche dans un historien ; au contraire, c’est ce qui le rend suspect.

Louis. — Pourquoi faut-il qu’il y ait des gens qui aient la démangeaison d’écrire ? Il faut laisser les morts en paix et ne flétrir point leur mémoire.

Commines. — La vôtre était étrangement noircie ; j’ai tâché d’adoucir les impressions déjà faites ; j’ai relevé toutes vos bonnes qualités ; je vous ai déchargé de toutes les choses odieuses qu’on vous imputait sans preuves décisives. Que pouvais-je faire de mieux ?

Louis. — Ou vous taire, ou me défendre en tout. On dit que vous avez représenté toutes mes grimaces, toutes mes contorsions lorsque je parlais tout seul, toutes mes intrigues avec de petites gens. On dit que vous avez parlé du crédit de mon prévôt, de mon médecin, de mon barbier et de mon tailleur ; vous avez étalé mes vieux habits. On dit que vous n’avez pas oublié mes petites dévotions, surtout à la fin de mes jours ; mon empressement à ramasser des reliques ; à me faire frotter, depuis la tête jusqu’aux pieds, de l’huile de la sainte ampoule ;