Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/406

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plains ! Je l’avais bien prévu. Eh bien ! je vous entends ; il a fallu rendre des provinces entières et payer des sommes immenses. Voilà à quoi aboutit ce faste, cette hauteur, cette témérité, cette ambition. Et la justice… comment va-t-elle ?

François. — Elle m’a donné de grandes ressources. J’ai vendu les charges de magistrature.

Louis. — Et les juges qui les ont achetées vendront à leur tour la justice ! Mais tant de sommes levées sur le peuple ont-elles été bien employées pour lever et faire subsister les armées avec économie ?

François. — Il en a fallu une partie pour la magnificence de ma cour.

Louis. — Je parie que vos maîtresses y ont eu une plus grande part que les meilleurs officiers d’armée : si bien donc que le peuple est ruiné, la guerre encore allumée, la justice vénale, la cour livrée à toutes les folies des femmes galantes, tout l’État en souffrance. Voilà ce règne si brillant qui a effacé le mien. Un peu de modération vous aurait fait bien plus d’honneur.

François. — Mais j’ai fait plusieurs grandes choses qui m’ont fait louer comme un héros. On m’appelle le grand roi François.

Louis. — C’est-à-dire que vous avez été flatté pour votre argent, et que vous vouliez être héros aux dépens de l’État, dont la seule prospérité devait faire votre gloire.

François. — Non, les louanges qu’on m’a données étaient sincères.

Louis. — Hé ! y a-t-il quelque roi si faible et si corrompu à qui on n’ait pas donné autant de louanges que vous en avez reçu ? Donnez-moi le